Décidément, Patrik Ourednik se moque toujours autant de l'histoire qu'il raconte, qu'il s'agisse de celle avec un "H", dans Europeana, ou des intrigues mineures qui forment la trame de son nouveau roman, Classé sans suite.
De toute évidence, l'intérêt se trouve ailleurs pour lui.
Dans l'ironie (cinglante, forcément) de son écriture par exemple, avec laquelle il brosse une kyrielle de portraits de personnages qui viennent s'ajouter les uns aux autres à un rythme effréné, qu'ils aient ou non un rapport avec la maigre intrigue policière censée accrocher l'attention du lecteur (une histoire de viol et d'incendies criminels dans un quartier tranquille de Prague). Celui-ci doit plutôt jongler avec les divagations de l'auteur, quitte à en prendre pour son grade si l'idée lui vient de se rebiffer contre se récit décousu :
"Lecteur! Notre récit vous paraît dispersé? Vous avez l'impression que l'action stagne?
Que dans le livre que vous tenez en main, il ne se passe au fond rien de très remarquable? Gardez espoir : soit l'auteur est un imbécile, soit c'est vous ; les chances sont égales."
Dans la précision de l'écriture (chirurgicale, bien sûr), l'habileté avec laquelle Ourednik passe d'un style à l'autre, du portrait psychologique au dialogue beckettien, et au delà de ça, dans la vision d'ensemble qu'il donne de la République Tchèque. À l'en croire, son pays ne serait peuplé que de vieillards acariâtres et de jeunes imbéciles au front bas. La sévérité avec laquelle il juge ses compatriotes n'est pas sans rappeler celle avec laquelle Thomas Bernhard ou Jelinek décrivent l'Autriche.
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- Classé sans suite, Paris, éditions Allia, 2012, 160 p., 15,95$/9,00 euros.
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