22.2.07

Nuits bleues, calmes bières


C'est en explorant le catalogue des éditions Finitude que j'ai découvert ce magifique petit livre de Jean-Pierre Martinet (1944-1993).
L'auteur m'était complètement inconnu, mais l'éditeur annonçant que c'est grâce à lui que l'on avait redécouvert Henri Calet dans les années 80, cela suffit à piquer ma curiosité.

Un homme malheureux et usé par l'alcool, un écrivain méconnu (dans les années 70-80) avant de tomber dans un oubli complet, Martinet présente les signes extérieurs de l'écrivain maudit.
Pour l'écriture, un peu de Henri Calet donc, du Hardellet aussi, le tout relevé d'un soupçon de Joyce Mansour, tels pourraient être les ingrédients de ces nuits bleues, méla
ncoliques et illuminées.

extrait:


"Ce soir-là, en rentrant chez lui, après avoir renversé une bonne dizaine de poubelles, égorgé trois chiens et giflé un aveugle saoul qui le prenait pour Marilyn Monroe (il avait essayé de l'enlacer au milieu de la rue, sous la pluie, mais il avait réussi à s'échapper. L'aveugle avait finit par glisser et gesticulait sur la chaussée en suppliant sa chère Marilyn de revenir), il se dit que, décidément, il n'avait plus grand-chose à voir avec le gentil petit garçon que sa grand-mère emmenait tous les soirs, en hiver, sous les flocons de neige en coton hydrophile, aux "Dames de France", place Abel-Surchamp, à Libourne, se gaver de pâtes de coing à cinq francs, au milieu des ampoules rouges et bleues clignotantes."

(in Nuits bleues, calmes bières)


Nuits bleues, calmes bières
, est suivi de L'orage, une autre nouvelle du même tonneau.
Dans le même temps, L'arbre vengeur tente lui aussi de ramener Martinet hors des limbes en publiant La Grande vie.






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De Jean-Pierre Martinet :


- Nuits bleues, calmes bières
, suivi de L'orage, éditions Finitude, 2006, 53 p., 9 euros.
- La Grande vie, L'arbre vengeur, 2006, 64 p., 9 euros.
- La Somnolence, Jean-Jacques Pauvert, 1975, éditions Finitude, 2010.
- Un apostolat d'A. T'Serstevens, misère de l'utopie, Alfred Eibel, 1975.
- Jérôme, Le Sagittaire, 1978, repris aux éditions Finitude, 2009.
- Ceux qui n'en mènent pas large, Le Dilettante, 1986.
- L'Ombre des forêts, La Table ronde, 1986.


10.2.07

Un siècle de novembre


Automne 1918. Charles Marden, magistrat et cultivateur sur l'île de Vancouver, se retrouve seul au monde après que sa femme soit morte de la grippe espagnole et que son fils, caporal dans l'armée canadienne, ait été porté disparu sur le front des Flandres dans les dernirs jours de la guerre. Marden décide alors de retracer le parcours de son fils et entreprend un voyage insensé qui le mènera jusqu'aux champs de bataille encore fumants.
On ne sait rien de Wetherell, sinon qu'il est américain et que son texte, sobre, subtil et maîtrisé donne à voir une incroyable palette de gris, du brouillard du détroit de Vancouver au crépuscule sur les tranchées.
Au final, une approche décalée et inédite de cette guerre qui n'en finit plus de hanter la littérature.


éditions Les Allusifs, Montréal, 2006, 199 p.



9.2.07

À bord



Pour ceux qui apprécient les jolis livres (façon José Corti, l'Oie de Cravan...), ceux parus aux éditions Finitude sont un modèle du genre. Leur principe est bien un peu de racler les fonds de tiroirs de bons auteurs (Perros, Guérin), mais, même mineur, un texte de Melville reste intéressant. Il s'agit en l'occurence de trois courts textes, dont deux sont issus de conférences données par Melville entre 1858 et 1860 (sur les Mers du Sud et le Voyage), et de la critique d'un livre paru à l'époque sur la vie à bord des baleiniers.









7.2.07

La petite fille qui aimait trop les allumettes


Ce livre-là a fait du bruit au Québec en son temps (1998), mais il reste injustement méconnu du public français, bien que Pierre Lepape l'ait encensé dans le Monde.
Deux adolescents sortent de chez eux pour la première fois à la mort de leur père, qui les tenaient complètement éloignés du monde. L'un des deux part à la rencontre de cet extérieur inconnu, et raconte posément son histoire et celle du Juste Châtiment.

L'un des meilleurs livres lus ces dernières années.
Malheureusement indisponible en France car le Seuil oublie de le réimprimer, l'astuce consiste à le commander ici.


Éditions Boréal, Montréal, 1998, coll. "Boréal compact", 2000, 182 p.



Mailloux, histoires de novembre et de juin


Éditions le Quartanier, Montréal, 2006.

J'en ai parlé ici.

Ouest




Éditions Viviane Hamy, Paris, 2006, 272 p.

Et voilà ce que j'en pense.














4.2.07

Tatami pop


Extrait:




L'entraveur des piscines



"Il barbote vitesse éloge de la lenteur mais sans répit. Nageuses et nageurs de même cordée le regardent sans y croire. Passent leur tour, lui laissent de l'avance, en vain. Il est partout. Partout, il surgit de l'onde, partout, on se heurte à lui. On ne le dépasse pas, ce n'est pas l'usage ici. On finit à pied, derrière lui, espérant qu'il appréciera le geste et qu'une fois parvenu au terme, il, magnanime, vous permettre de nager devant. Pas du tout. D'un bras professionnel il opère un impeccable demi-tour et c'est reparti pour un crawl sirupeux, quelque chose comme un Many rivers to cross qui ne s'arrêterait jamais.


Le centenaire porte un caleçon de cycliste très mode. On a toute la vie pour s'en apercevoir mais je crois qu'après cette matinée, tout le monde s'est suicidé."




Nadia Porcar, in Tatami pop, éditions Pierre Mainard, 2004.
Sur le même livre, voir aussi cette note.



2.2.07

La tentation des armes à feu



Parce que la collection "Fiction & Cie" du Seuil est souvent un refuge, et que Patrick Deville en est un des auteurs majeurs.
Quatre courts récits dans lesquels Deville explore la tentation (donc) des armes à feu, dans ce qu'elle peut avoir de romantique, du suicide d'un révolutionnaire à Montevideo à un duel d'officiers russes dans le sud du Caucase, mené par un narrateur qui nous entraîne dans sa fuite en avant pour oublier la femme de sa vie. Le fantôme de Malcom Lowry n'est pas loin.


Le Seuil, 2006.

Il n'est pas défendu de lire aussi Pura vida (Le Seuil, 2004) et Ces deux-là (éditions de Minuit, 2000)



Éric Chevillard



É
ric Chevillard est sans conteste l'un des rares écrivains français excitant de ces dernières années.
Tout, ou presque (1) vaut la peine d'être lu, avec une mention spéciale pour ces deux titres, ou tout n'est que poésie, invention du langage et humour décalé.

L'essentiel de ses livres sont disponibles aux éditions de Minuit; pour le reste, vous trouverez les informations ici.

(1) On peut faire l'économie de Scalps (Fata morgana).



1.2.07

Lire aux cabinets



Ne confondons pas les livres de chiottes et les livres de merde. Nombreux sont ceux pour qui les toilettes sont un lieu de lecture privilégié, mais encore faut-il avoir le bon livre à portée de main, d'où l'installation chez certains d'une étagère spécialement consacrée à ce type de livres.
Le livre de Miller est évidemment un incontournable du genre.



Disponible aux éditions Allia, dont il est par ailleurs conseillé d'acheter tout le catalogue (ou presque).
On le retrouve dans Les livres de ma vie, dans la collection L'Imaginaire de Gallimard par exemple.