28.3.07

La grande vie


Il y a quelques temps, je tentais d'expliquer le choc qu'avait été ma découverte de Jean-Piere Martinet à travers son livre Nuits bleues, calmes bières. Dans la foulée je mentionnais la récente publication d'un autre de ses titres, La grande vie, mais je n'avais pas encore pu me le procurer (l'envers de la médaille des vaillants petits éditeurs est qu'ils sont souvent mal distribués, spécialement à l'étranger).
Voilà qui est fait. Je l'ai reçu, je l'ai lu et j'en suis presque mouru tellement c'était bon. Au moins autant que Nuits bleues, sinon meilleur. Le même désenchantement et la même violence crue de l'écriture, avec, me semble-t'il, quelque chose de René Crevel et de Maurice Raphaël (1).

Adolphe Marlaud est employé de pompes funèbres, c'est un "cloporte", une "limace", un personnage kafkaïen. Il vit d'ennui et de servitude volontaire tout en entretenant la tombe de son père
, qu'il surveille de sa fenêtre en rêvant de tirer sur les chats qui habitent le cimetière. Jusqu'au jour où Madame C., la concierge felinienne du 47, lui met la main dessus pour en faire son otage sexuel. La grande vie en somme.


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- La grande vie, éditions de l'Arbre vengeur, 9 euros, 58 p., 2006.

(1) de Maurice Raphaël, personnage douteux qui aurait frayé avec la Gestapo, il existe un roman malgré tout étourdissant, La Croque au sel, réédité en 2005 par L'Esprit des péninsules.



18.3.07

Schwob, l'homme au masque d'or


Pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus que ça sur Marcel Schwob, le fantôme littéraire, le journaliste nantais, l'érudit, le traducteur de Stevenson, celui que je classe sans hésiter dans le groupe d'élite des Segalen, Poe, Villiers de l'Isle-Adam, il existe un livre remarquable publié l'an dernier pour le centenaire de sa mort par Le Promeneur, en collaboration avec la bibliothèque de Nantes.
Ouvrage collectif, lumineux, somptueusement illustré, indispensable.



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- Marcel Schwob, L'homme au masque d'or
, ville de Nantes/Gallimard (Le Promeneur), 2006, 39 euros.




17.3.07

La chambre de la Stella


Jean-Baptiste Harang est sans doute le seul critique littéraire dont je guette les articles (dans Libération); il écrit bien, pense juste, ne trahit pas les livres dont il parle et, si nous n'aimions pas systématiquement les mêmes bouquins je dirais qu'il a un goût remarquable. Pour s'en faire une idée, il existe un recueil de ses meilleurs articles paru chez Julliard (1).

Mais Harang est aussi écrivain, ce qui pourrait le classer dans la catégorie redoutable des journalistes que les éditeurs publient pour récolter en échange de bons papiers. Sauf que Jean-Baptiste Harang écrit bien.

Rien de bien nouveau, au gré de la description des pièces de sa maison de famille perdue au fond de la Creuse, il se remémore son enfance au goût de pension et de plumes Sergent Major, rend hommage à son père et dresse le portrait d'une campagne française aujourd'hui disparue.
Nostalgique un peu, mais sans pathos. On se perd parfois dans les détails d'un arbre généalogique contrarié, mais l'on retiendra une simplicité, une sincérité de l'écriture et un amour évident de la langue (charmante dans ses façons un peu désuètes) qui ne sont pas sans rappeler le Henri Calet de Monsieur Paul et du Tout sur le tout.


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- La Chambre de la Stella, Paris, éditions Grasset, 2005.

(1)
L'art est difficile, Paris, éditions Julliard, 2004.




8.3.07

La Peste écarlate

Lentement mais sûrement, c'est-à-dire avec leurs deux caractéristiques essentielles, les éditions Phébus ont entrepris de rééditer l'oeuvre de Jack London, annotée et présentée comme ils savent si bien le faire (1). Le dernier en date dans cette longue série (le vingt-cinquième) est La Peste écarlate, incluant le court roman éponyme et quatre nouvelles.
En 2073, un vieillard raconte à ses petits-enfants comment soixante ans plus tôt une pandémie a éliminé presque toute la civilisation, ramenant ainsi les rares survivants à l'état sauvage.
C'est avec cette vision apocalyptique que l'on découvre une facette moins connue de Jack London, entre anticipation et fantastique. Savoureux.




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- La Peste écarlate, Paris, éditions Phébus, coll. "Libretto", 160 p., 2006. 6,90 euros/12,95$.

(1) Précisons que je ne touche aucune commission pour dire ça (2).
(2) Néanmoins, si vous avez des services de presse à distribuer, je suis ouvert à la corruption. Après tout, je vends tellement bien la collection Libretto à la librairie où je travaille que ce ne serait pas volé.



5.3.07

L'homme au boulet rouge

En 1972, Jean-Patrick Manchette est encore une jeune auteur prometteur qui multiplie les contrats de réécriture, les dialogues pour la télé et les traductions pour joindre les deux bouts. C'est alors qu'on lui propose de faire la novélisation d'un scénario de western n'ayant pas encore été tourné.
Voilà en deux mots ce qui explique qu'il se soit pour une fois écarté de sa veine de polars politisés. En apparence du moins, car si l'histoire se situe dans un bagne du Texas en 1871, Manchette a su y glisser un peu partout l'humour noir et la critique sociale qui ont fait sa touche. Si ce n'est pas son meilleur livre, c'est tout de même une bonne friandise, un peu comme si vous vous apprêtiez à regarder un polar de Melville au ciné-club du dimanche soir et que finalement la chaîne décide de passer un western d'Anthony Mann.

Pour donner une idée du rythme de Manchette à l'époque de ce roman, il suffit de rappeller qu'il l'a écrit au mois de février 1972, et qu'au mois de mai il terminait le manuscrit de Nada.


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- L'Homme au boulet rouge, Gallimard, coll. "Série noire", 1972, coll. "Folio policier", 2006, 214 p., 5,5 euros, 13,95$ Can.